La manifestante

Une accalmie. Silence. Plus de mouvement. Soudain une apparition. Là-bas à gauche. Comme sortie de terre. Elle s’avance, lentement, pieds nus. Elle marche progressivement, comme l’on ferait en traversant un fleuve. Un voile blanc. Seuls les yeux sont visibles. Marron-vert. Dans ses mains au-dessus de sa tête un carton blanc. Tous les yeux sont tournés vers  elle. La rue est vide. L’horizon derrière. L’horizon devant. Des immeubles de part et d’autre. Une silhouette blanche et silencieuse. Un ange. Un tir. Dans le pied. Partant de la gauche. L’ange met genou à terre. Le carton blanc est à l’envers devant elle, révélant sa face marron. Pas un son, après l’écho de la déflagration. L’ange est invincible. Elle avait solidement attaché une lanière de cuir autour de son visage pour retenir un morceau de mousse enfoncé dans sa bouche. L’ange se relève. Ses ongles sont rongés. Elle récupère le carton blanc. Son pied nu est en sang. Une ligne rouge trace le passage de l’ange blanc. Les armes ont laissé place aux portables. Le monde entier est rivé sur cette apparition. Le monde entier retient son souffle. Les questions cruciales sont posées sur certaines chaînes sérieuses : qui est cette personne ? Un pacifiste ? Les familles s’interrogent : quelle importance ces combats ont-ils donc ?pourquoi ce sacrifice ? D’autres chaînes diffusent les images humblement, sans commentaire. L’ange avance. Des murmures de chaque côté de l’avenue. Le regard est fixe. Un nouveau tir. Dans le cœur. Parti de plus en amont, à gauche. L’ange s’évanouit dans ses tissus blancs. Le carton est à l’endroit, posé à côté d’un crâne qui saigne.

01/07/13